Self à Air ou Self ferrite ?
Voici un petit article rapide suite à une question que tout le monde se pose au moment de choisir ses composants pour construire son filtre passif. C’est la question du choix de la self et notamment du type de self. Ce sujet a déjà été abordé dans un tutoriel pour choisir ses composants.
Pour ceux qui se demandent encore à quoi ça sert dans un filtre je vous renvoie également vers cet article expliquant les bases du filtrage passif et le rôle des selfs.
Ceci est donc un petit complément aux deux articles cités.
Rappels
Une self est constituée d’un fil de cuivre enroulé sur lui même en spires régulières. Ce fil est en général émaillé pour éviter que les enroulements de fil ne fassent contact entre eux.
Elle possède en général deux caractéristiques : l’inductance, qui se mesure en mH (pour les valeurs qui nous intéressent en audio) et la résistance interne qui se mesure en ohm.
Plus on veut une self de forte valeur plus il faudra d’enroulement et donc plus il faudra de longueur de fil de cuivre.
Cela pose deux problèmes :
– Le premier problème est que plus on met de longueur de fil et plus la résistance interne augmente. Mais lorsqu’on place ces selfs en série à nos chers haut-parleurs, notamment ceux destinés à faire du grave, on cherche à avoir la résistance interne la plus faible possible. L’une des solutions possible est d’augmenter le diamètre du fil de cuivre.
– On en vient alors au deuxième problème et non des moindres : le prix grimpe en flèche ! En effet il ne vous aura pas échappé que le cuivre est devenu un métal relativement onéreux. Plus long/plus gros = plus cher.
Pour compenser ce problème on utilise une caractéristique physique du fonctionnement des selfs. En plaçant un noyaux ferreux au centre des enroulements l’inductance augmente. Vous l’aurez donc compris avec cette astuce à valeur d’inductance équivalente il faudra moins de cuivre, on aura donc une résistance interne plus faible et le prix sera également plus faible.
Génial !
Enfin presque…
J’utilise régulièrement des selfs à noyaux pour mes filtres de test mais à vrai dire je n’ai jamais cherché à les comparer à la mesure et me suis toujours fié à ce qui est communément admis.
On lit souvent que les selfs à air sont qualifiées d’insaturables, les selfs à noyau le sont elles vraiment dans notre domaine d’utilisation ?
Je me suis demandé si l’emploi de ces selfs avait un impact mesurable sur les distorsions harmoniques d’un haut-parleur par exemple. Je me suis donc plié à un petit test rapide.
Test N°1 : Comparaisons face à filtrage actif
Edition le 06/03/2016
Protocole de test
Je ne peux pas comparer les taux de distorsions harmoniques entre le haut-parleur nu et avec une self en série. La courbe de réponse en fréquence ne sera pas identique et donc le niveau de mesure ne sera pas le même à toutes les fréquences. C’est une source d’erreur d’interprétation : si le haut-parleur joue plus fort il distord potentiellement plus.
NB : pour ceux qui ne se souviennent plus de comment interpréter ces mesures je vous renvois à l’article qui traite de l’interprétation des distorsions harmoniques.
Je me suis donc aidé de mon fidèle filtre actif, j’ai nommé le Behringer DCX2496 pour palier à ce problème de différence de réponse en fréquence.
J’ai pris deux selfs dans mon stock qui sont des selfs d’entrée de gamme : une self Jantzen à Noyau de 1.2mH et une self à air RAH de 0.68mH.
J’ai simulé la fonction de transfert du filtre donné par ces selfs sur un Scanspeak 18W4434G00 (équipant la Prima) et j’ai émulé cette fonction de transfert sur le DCX afin d’obtenir la même courbe de réponse en fréquence à +/- 0.2b près puis vérifié à la mesure.
NB : Je tiens à préciser que le DCX reste dans la chaine de mesure avec tous les réglages sur off pour effectuer mesurer avec la self.
J’ai réalisé ensuite des mesures de distorsion à l’aide du logiciel STEPS de la suite ARTA. Le micro est placé à 15cm du cône et la mesure s’effectue à un niveau élevé pour ce haut-parleur, c’est à dire environ 6v sur mon multimètre avec un sinus à 100Hz. A ce niveau le haut-parleur dépasse son X-max sous 40Hz d’après winisd.
J’ai choisi une plage d’utilisation correspondant à l’usage du haut-parleur entre 100 et 2000Hz.
Résultats
Avec la Self à noyau Ferrite
Je n’ai pas représenté la THD qui est dominée par de la H2. Je n’ai pas non plus représenté les harmoniques paires H2 et H4 car elles sont sensiblement équivalentes entre les deux mesures. La THD l’est donc aussi par voie de conséquence…
On ne va s’intéresser qu’aux harmoniques impaires de rang 3 et 5.
La première mesure a été réalisée avec la self puis a été placée en overlay (D3o et D5o), ensuite elle a été réalisée avec son équivalent paramétré dans le filtre actif (D3 et D5).
On note que sous 300Hz la H3 est sensiblement meilleure avec la self à noyau que sans. Par contre pour les fréquences supérieures à 300Hz la H3 de la self à noyau est supérieure (environ 0.1%).
L’impact est encore plus notable sur la H5 qui bondit littéralement sur toute la plage de fréquence avec la self ferrite.
Avec avec la Self à air
Là encore c’est la mesure avec la self à air qui a été placée en overlay et qui sont notées D3o et D5o. D3 et D5 correspondent aux mesures avec le filtre actif.
Cette fois on note que le résultat est équivalent sous 400Hz mais supérieur au dessus de cette fréquence pour la self à air, que ce soit pour H3 comme pour H5.
Discussion
Il est étonnant de remarquer que les mesures avec self ont parfois des performances supérieures en terme de distorsion harmonique par rapport au haut-parleur branché en direct et configuré via filtre actif pour obtenir la même réponse en fréquence.
Le filtre actif reste pourtant dans la chaîne de mesure (mais tout en off) lors des mesures avec la self. On peut donc se poser la question de savoir si le filtre actif n’introduit pas de la distorsion lorsqu’on lui demande de travailler. C’est possible, les EQ ne sont que des EQ négatives et peuvent réduire son signal bruit.
En dehors ce phénomène qui est a priori égal entre les deux types selfs on note que la self à noyau apporte un peu plus de distorsion harmonique d’ordre impaire dans le medium que la self à air, sans manifestement modifier la THD globale pour l’une comme pour l’autre.
Je n’avais pas en stock deux selfs de technologie différente mais de même valeur. J’essaierai à l’avenir de supprimer le filtre actif du test en comparant directement deux selfs de même valeur mais l’une sur noyau ferrite l’autre à air.
Cet article sera alors à compléter. En attendant on remarque qu’il y a a priori des différences mesurables entre les composants.
Test N°2 : Comparaisons entre selfs de même valeur
Edition du 22/03/2016
Protocole
Cette fois j’ai réunis des selfs de même valeur pour comparaisons directes. Toujours branchées en série sur le Haut-parleur grave medium des primas, j’ai nommé le 18W4434G00.
Le niveau de mesure est de 4.9 volts et cette fois est réalisé par sweeps sur le logiciel REW qui permet maintenant de normaliser les distorsions harmoniques en fonction de la réponse en fréquence.
On a donc deux lots selfs :
– Le premier lot est composé de selfs de 2.2mH , l’une est une RAH à Air, l’autre est une Jantzen à noyau ferrite.
– Le second lot est composé de selfs de 1.2mH , l’une est une Intertechnik à Air, l’autre une self à noyau ferrite Jantzen (la même que celle utilisée dans le test N°1).
Une petite photo de famille
Résultats
Cette fois je ne peux pas faire d’overlay avec REW concernant les distorsions harmoniques mais vous allez le voir, il n’y en a pas besoin.
Self à Air de 2.2mH
Self ferrite 2.2mH
Avec la Self à Air 1.2mH
Self ferrite 1.2mH
Remarque : Avec la self de 1.2mH le haut-parleur est coupé plus haut et le niveau de medium est plus élevé, il est donc logique de voir les distorsions plus importante dans cette bande de fréquence.
Discussion
Comme je l’avais remarqué au premier test les harmoniques paires sont peu impactées par le type de self. La THD étant principalement constituée de l’harmonique 2 elle est également peu modifiée.
Par contre on remarque que les harmoniques impaires sont assez différentes entre les deux types de selfs. Les selfs à ferrite voient les distorsions harmoniques 3 et 5 grimper en flèche.
Les chiffres parlent d’eux mêmes. Si on regarde l’harmonique 3 à 1kHz on passe de 0.044% à 0.134% d’un côté et de 0.078% à 0.346% de l’autre. On a exactement le même genre de différence entre un haut-parleur bas de gamme et un haut-parleur haut de gamme. Et je vous rappelle qu’ici le haut-parleur est un Scanspeak de la gamme discovery, bons rapport qualités prix dans l’absolu mais pas des haut-parleurs haut de gamme non plus comme les Illuminator chez le même fabricant.
Je remarque quand même que sous 200Hz les distorsions sont peu différentes. A ces fréquences c’est la distorsion du haut-parleur qui domine. Il serait peut être autrement avec un un haut-parleur plus gros et plus capable dans le grave. Cela pourrait être l’objet d’un troisième test un jour.
Il serait également intéressant de mesurer l’impact lors de l’utilisation sur un réseau parallèle type RLC.
Résumé provisoire
Pour le moment certains me diront qu’on enfonce des portes ouvertes mais c’est toujours intéressant de le vérifier.
Avantage des selfs à air
– Ne dégrade pas les performances de vos haut-parleurs dans le medium
Inconvénient des selfs à air
– Le coût prohibitif pour les fortes valeurs à résistance interne faible
Avantage des selfs à noyau ferrite
– Economiques pour les fortes valeurs ou résistances internes faibles
– Intéressantes pour des filtres de voie grave comme dans une trois voies
Inconvénients des selfs à noyau ferrite
– Performances moins bonnes dans le medium par rapport aux selfs à air, notamment en regard des distorsions harmoniques impaires.
salut Cédric
merci pour ce test !
Avec « Sagem », nous avons fait des mesures de « disto » sur un filtre complet self à noyaux « économique » versus self a air de « bonne qualité », les résultats sont sans appel (surtout à fort volume sonore) ! : Nous utiliserons plus de self à noyau !
FMP
Très intéressant, comme d’habitude.
Bravo Cédric
Bravo et merci pour cet article intéressant.
Bonjour ! Il semble que les selfs à noyau on une courbe de réponse non linéaire après , après avoir mis en charge un circuit 3 voies, avec un ampli et des résistances de 8 ohms pour simuler le haut parleur, et calibré une carte son, j’ai prélevé la courbe de réponse, pour les graves le médium et les aiguës sur une plage de 5Hz à 20KHz .Il y a des bosses dans la courbe de réponse qui me dérangent dans chaque étage de filtrage apres Fzéro. Pouvez vous m’éclairer?
Pascal
Bonjour Pascal,
aurais-tu des images pour illustrer ton propos ? As-tu rentré ton set up dans un simulateur de filtre afin de voir le résultat attendu et le comparer à tes mesures ?
Bonjour !
J’ai une copie d’écran mais comment poster une image ici ? Je n’ai jamais utiliser de simulateur car les courbes de simulateur (effectué par une tiers personne), m’ont contredit sur le choix des haut-parleurs, ou donné une fausse idée sur le rendu sonore à ma dernière expérience. Je préfère des mesures réelles.
Bonjour, sur son site, Dominique Petoin aborde le sujet des self à noyau et reprend le commentaire d’un intervenant qui signale que les premières self à noyau étaient délaissées pour une question de qualité dudit noyau. Il n’en qerait plus de même depuis quelque temps du fait de l’affinage en qualité de la nature du noyau, sauf peut-être sur du bas de gamme. Un intervenant dit avoir utilisé des self à noyau ‘pacher’ si j’ai bien compris. Du reste, il existe des self sur armature type ‘transfo’ permettant des coupures basses, je ne sais si elles ont les mêmes caractéristiques que celles à noyau.
Je remplis mon pedigree mais notez que ma boîte mail est h.s. Si besoin, merci de m’adresser un sms! Merci pour vos articles que je parcours avec intérêt. Christian Gamard. (région nantaise)
Au cas où, je n’avais pas laissé mes coordonnées telephoniques, Christian Gamard 0650407394