Les évents : question pratique

Ceci est un petit article rapide qui aurait tout à fait sa place dans une FAQ du site.

En effet je vais essayer de répondre rapidement à une question que l’on me pose souvent et régulièrement concernant les évents, notamment en ce qui concerne la Prima.

Beaucoup d’entre vous sont inquiets à l’idée de mettre un évent à l’arrière de l’enceinte, surtout si celle-ci est très proche du mur arrière. Cette question ne se pose d’ailleurs pas que dans le monde du DIY, elle se pose également dans le monde de la hifi et du hc avec le matériel issu du commerce traditionnel.

Il serait possible de faire une étude détaillée, longue et rébarbative (pour celui qui la ferait) mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

La question est d’ordre pratique, je vais essayer d’y répondre avec un exemple pratique, en prenant donc pour exemple la Prima.

Qu’est-ce qu’un évent ?

Loin de moi l’idée de vous refaire toute la théorie sur le bass-reflex mais quelques rappels peuvent être intéressants pour répondre à nos questions.

Le bass-reflex est une technique pour étendre la bande passante dans le grave d’une enceinte close. Il est basé sur le principe du résonateur d’Helmoltz.

En général pour réaliser un bass-reflex on utilise un évent. L’évent est une ouverture réalisée dans l’enceinte close vers l’extérieur, le modèle le plus courant étant un tube mais on peut imaginer d’autres formes.

Il est caractérisé par ses dimensions qui vont permettre de calculer la fréquence à laquelle il va entrer en résonance avec le haut-parleur.

On choisit en général la zone où le haut-parleur commence à perdre un peu d’efficacité dans le grave car à la fréquence de résonance l’évent va devenir une source d’émission sonore à part entière. A cette fréquence que l’on appellera aussi « fréquence d’accord » les débattements du haut-parleur sont très limités, ce qui le soulage car tout le son ne sort alors quasiment que par l’évent. La courbe de réponse d’un évent est théoriquement une courbe en cloche centrée sur la fréquence d’accord.

Les travaux de Thiel & Small nous permettent d’obtenir des caractéristiques chiffrées d’un haut-parleur qui serviront à modéliser leur comportement dans une charge. Le choix de cette charge est appelé « alignement ». Il existe de nombreux logiciels qui modélisent cela très bien, et permettent de calculer les dimensions d’un évent, la taille de la caisse etc. en fonction du haut-parleur choisit et de ses paramètres.

Voici par exemple une modélisation sous Lspcad réalisée pour un précédent article. On y voit une enceinte accordée à 50Hz.

Port 6 désigne  la réponse de l’évent . Loudspeaker unit 1 est le haut-parleur. Et enfin vous avez le total, c’est à dire la somme des deux.

Même si le logiciel calcule tout il faut avoir en tête quelques notions pour se rendre compte de certaines choses :

• A fréquence d’accord identique et à diamètre identique : plus le volume de la caisse sera grand et plus l’évent sera court.
• A fréquence d’accord identique et à volume interne identique : plus l’évent sera de gros diamètre et plus il sera long.
• A volume interne identique et diamètre identique : plus l’évent sera long et plus la fréquence d’accord sera basse.
• A haut-parleur identique et à charge identique : plus l’évent sera petit et plus la vitesse de l’air qui le traverse sera grande, son niveau sonore maximum pourra être limité mais surtout il risque d’émettre des bruits parasites liés à cet écoulement d’air.

Quels problèmes pourrait poser un évent placé à l’arrière de l’enceinte ?

La question se pose souvent lorsqu’on souhaite placer l’enceinte proche voire très proche, d’un mur arrière.

La première remarque qui me vient à l’esprit c’est que si on place l’enceinte très proche du mur arrière l’espace situé entre l’enceinte et le mur va venir prolonger la surface de l’évent et modifier ses caractéristiques, notamment sa fréquence d’accord.

Ma paire de prima telle qu’elle est actuellement est accordée à environ 40Hz, c’est un peu trop bas en théorie mais c’était adapté à mon ancien salon où elles étaient placées en encoignure.

On peut facilement lire la fréquence d’accord d’une enceinte en mesurant sa courbe d’impédance. En général cette courbe est caractérisée (dans le grave) par deux pics d’impédances. La fréquence où l’impédance est la plus basse entre ces deux pics est en général la fréquence d’accord de l’évent. Cette technique permet de régler à la mesure la fréquence d’accord, en jouant sur la longueur de l’évent, pour avoir exactement l’alignement choisit.

J’ai donc réalisé deux mesures d’impédance : la première avec l’enceinte dégagée du mur arrière. La deuxième avec l’enceinte plaquée au mur, c’est à dire à 25mm. Je ne peux pas me rapprocher plus à cause des connecteurs sur le bornier mais de toute façon coller encore plus n’aurait aucun sens car il serait quasiment obstrué. Mais on est tout de même dans une situation extrême pour bien marquer le phénomène.

L’évent utilisé pour cette exercice est un évent type tube PVC, coudé, de 57mm de diamètre interne. La distance entre le mur et l’évent est donc inférieure au rayon de ce dernier.

Voici les  mesures

On voit que le fait d’être très proche du mur arrière modifie assez légèrement l’accord. On passe de 41Hz à 39Hz. Il faudrait simplement réduire l’évent d’environ 27mm pour avoir le même accord.

Sur la simulation de réponse en fréquence voyons ce que cela donne :

 

 

La différence est minime, de l’ordre de 0.5db.

Je sais bien que ceci n’est pas le problème qui inquiète le plus les audiophiles. La crainte est ailleurs : on sait tous que se rapprocher d’un mur va modifier l’angle de rayonnement de l’enceinte et le mur va venir renforcer le grave. La peur c’est d’avoir un grave « boursouflé ».

J’ai voulu étudier l’influence sur le niveau de grave en fonction de la distance avec le mur. Mais dans un salon lambda ceci est impossible. Chaque pièce a des modes propres. Une mesure à un endroit ou 50cm à côté ne donne pas le même résultat dans le grave, et ce quelque soit le placement proche ou non du mur pour l’enceinte.

Ceci est aussi vrai pour le micro : à position d’enceinte identique deux emplacements de micro différents dans la pièce donneront des différences.

Alors comment fait-on pour répondre à notre question ?

Je vous dirai que chaque cas sera particulier et devra être étudié séparément. On sort du cadre de la conception d’enceinte mais on entre dans le formidable monde de l’acoustique des salles.

Néanmoins je ne me suis pas laissé abattre et je me suis souvenu que le logiciel REW a une fonction bien pratique de simulation des modes de pièces nommée RoomSim. Il permet d’étudier un peu le placement des enceintes en fonction de la position d’écoute. Le tout en trois dimensions.

J’ai donc mon enceinte de gauche contre le mur, placé mon micro arbitrairement à hauteur du canapé au dessus de l’accoudoir de gauche (donc pas vraiment à la position d’écoute). Ensuite j’ai fait une mesure avec l’enceinte à 25mm du mur, puis une avec le dos avancé à 35cm du mur.

Voici les réponses en fréquence obtenues

La courbe de l’enceinte collée au mur est limite meilleure que celle faite en s’en écartant. Notamment dans le medium où il semble y avoir plus de perturbations en s’éloignant. L’équilibre global quand à lui n’est pas spécialement modifié. On est pas à 30cm près dans ces conditions. Par contre l’excitation des modes de pièce est différente à cette position de mesure.

J’ai ensuite rentré toutes les côtes dans RommSim et comparé mes mesures avec la simulation.

Enceinte collée au mûr

Enceinte écartée de 35cm

La simulation est plutôt intéressante dans cet exemple.

Les creux sont moins profonds qu’annoncés mais je n’ai pas joué avec les coefficients d’absorption des parois dans le logiciel, ceci expliquant probablement un amortissement différent dans la réalité.

L’outil est plutôt facile à utiliser et permet a priori de bien dégrossir les choses en mettant un peu de côté ses croyances audiophiles. C’est à mon avis aussi très instructif et permet de dédramatiser certaines situations.

Quel problème pourrait poser un évent sur la face avant ?

On entends parfois des discussions sur la question de savoir si le son qui sort de l’évent est en phase ou non par rapport au haut-parleur. Je dirai que cette question là pose surtout la question du Bass-reflex versus enceinte close car la position de l’évent ne modifiera sans doute pas beaucoup les choses ce côté.

Dans mon exemple avec la Prima cette enceinte est accordée à environ 40 hz. La longueur d’onde à cette fréquence est d’environ 8m60. L’enceinte fait 30cm de profondeur…alors qu’il soit devant derrière, dessus ou sur le côté ne changera pas vraiment les choses sur l’aspect temporel des choses.

Par contre il y a une caractéristique dont on a pas parlé en ce qui concerne les évents. C’est qu’ils ont une fréquence de résonance parasite qui dépend de sa géométrie et de ses dimensions.

Voici la courbe de réponse en fréquence de l’évent coudé de 57mm de diamètre interne pour un accord à environ 40Hz

On note un joli pic de résonance à 750 Hz situé seulement 16db sous le niveau SPL de la fréquence d’accord.

On voit bien sur le burst que la résonance, même si pas énorme, est bien présente à cette fréquence

Malheureusement avec un diamètre de 57mm l’évent a probablement un comportement quasiment omnidirectionnel à cette fréquence.

Néanmoins je pense qu’éloigner l’évent du haut-parleur pour ne pas en faire une source trop corrélée ne sera que bénéfique.

J’en avais fait l’expérience sur le projet Mini12.

Le logiciel Winisd nous donne une valeur calculée pour cette première résonance. Si je fais la simulation dans notre exemple il me donne 752 hz de première résonance pour un accord à 40.2Hz.

Conclusion

En conclusion je dirai que l’emplacement de l’évent dans une enceinte conventionnelle n’est pas toujours le plus important. Il y a un risque de pollution sonore dans le medium qui me fait prendre des précautions et me fait le mettre à l’arrière de l’enceinte en priorité plutôt que proche du haut-parleur en face avant.

Concernant l’aspect « renforcement » des basses et le mur arrière il faut être plus malin que ça et essayer de réfléchir à l’acoustique globale. Parfois ce n’est pas aussi évident que ce qu’on le pense.

On a pu remarqué dans ce petit exercice que les logiciels de simulation à notre disposition sont plutôt fiables et précis. Ils permettent de se faire une bonne idée de ce qui nous attends et de choisir ses options en toute connaissance de cause.

Il serait intéressant à l’avenir de faire une étude sur la géométrie ou l’amortissement des évents pour limiter au maximum les problèmes de pollution dans le medium. Pleins de choses existent déjà et cela donne envie de s’y pencher.